anniversaire
Traduction

15 ans de traduction : mon anniversaire

Le 10 septembre 2024, je fêterai mes 15 ans en tant que traductrice. Ce parcours, marqué par de nombreuses évolutions technologiques et culturelles, m’a permis de voir comment un métier aussi ancien s’est adapté aux nouvelles exigences du monde moderne. En tant que gestionnaire de projets et traductrice, j’ai observé des changements profonds, notamment l’essor des outils de traduction assistée par ordinateur (TAO) et l’apparition de la traduction automatique (MT). Enfin, l’intelligence artificielle et ses méthodes ont fini par révolutionner mon quotidien. Cet article est une occasion de partager mes réflexions sur l’évolution de la profession, ainsi que mes ambitions pour continuer à progresser.

Mes débuts dans la traduction

Après avoir décroché un master de traduction technique et de gestion de projets, la traduction était un travail principalement manuel, nécessitant des compétences linguistiques poussées et une compréhension profonde des nuances culturelles. J’ai commencé dans un environnement où les traducteurs s’appuyaient sur des dictionnaires et des glossaires qui commençaient à peine à être dématérialisés.

Les outils technologiques étaient rares, et la traduction était avant tout un art minutieux, souvent solitaire, où l’attention aux détails et à la précision était primordiale. C’est ce qui me plaisait au départ dans cette activité !

L’émergence des outils de TAO : révolutionner le quotidien des traducteurs

Les outils de traduction assistée par ordinateur (TAO) ont révolutionné le métier. Ces plateformes permettent aux traducteurs de travailler plus rapidement et plus efficacement grâce à des bases de données terminologiques, des mémoires de traduction, et des glossaires intégrés.

Mon expérience en gestion de projets m’a permis de constater combien ces outils sont devenus essentiels pour garantir la cohérence d’un projet de traduction, surtout dans des environnements multilingues. Ils permettent également de réduire les délais et d’assurer une qualité optimale, notamment en favorisant la collaboration entre plusieurs traducteurs et le recyclage des traductions déjà effectuées.

J’ai donc commencé par SDL Trados (ancien nom de SDL Studio), et le fameux… SDLX ! Dont l’interface était particulièrement infecte !

En 2010, SDL Trados (que ceux qui savent, surnomment « crados ») était jonché de bogues. Il fallait utiliser Word pour traduire les documents. Nous avions deux fenêtres : une fenêtre en haut, qui fournissait les résultats de la mémoire de traduction, et la fenêtre du bas, qui traduisait et ouvrait les segments directement dans Word. Cette cacophonie conduisait inévitablement à de nombreux plantages de l’ordinateur. C’était un autre monde !

De plus, se posait le souci, à l’époque, de la connexion Internet et des latences au niveau des serveurs… quand mes clients ont commencé à utiliser les mémoires de traduction en ligne, c’était un sacré numéro. Bien souvent, ces mémoires en ligne me ralentissaient dans mon travail. Nous devions patienter parfois une minute (c’est long) pour obtenir les résultats de la mémoire de traduction. Heureusement, ce n’est plus le cas aujourd’hui.

L’arrivée de la traduction automatique : un tournant décisif

En parallèle des outils de traduction, l’un des changements les plus significatifs au cours de ces 15 dernières années a été l’arrivée de la traduction automatique (MT). Au début, ces systèmes étaient rudimentaires, souvent inexacts et incapables de saisir les nuances et les subtilités culturelles. Les premières versions de Google Traduction, par exemple, donnaient des résultats qui faisaient sourire, mais manquaient cruellement de précision. Je me souviens encore de ces traductions saugrenues, où il était plus efficace de supprimer le segment en entier, et de le traduire de zéro, plutôt que d’éditer l’output machine.

Avec l’amélioration des algorithmes et l’avènement des réseaux neuronaux, les systèmes de MT ont progressivement gagné en précision. Toutefois, malgré ces avancées, il est vite apparu que la machine ne pouvait pas remplacer l’œil humain. Les traducteurs se sont rapidement positionnés comme des experts capables de modifier les traductions automatiques, améliorant ainsi la productivité tout en garantissant la qualité. Et c’est à ce moment-là que le service de post-édition a vu le jour. Peu à peu, il a pris une place prépondérante, éclipsant le terme même de « traduction ».

Personnellement, j’ai intégré ces outils dans mon travail. Il est important de vivre avec son époque, avec son temps ! Dire non aux outils modernes de traduction, c’est se tirer une balle dans le pied à mon avis. Ces outils, selon moi, sont inévitables, et il faut les accepter et exploiter tout leur potentiel pour continuer à exercer notre métier en 2025 et après.

Les difficultés liées à ces évolutions

Cependant, avec ces évolutions sont venus des défis. La pression pour traduire plus vite et à moindre coût a augmenté, notamment avec la perception que la MT pouvait faire le travail seule. Il n’était donc pas rare qu’on me demande, même après des années d’expérience, de réduire mes tarifs ! Cela défiait toute logique, car on m’avait toujours appris que l’expérience devait être synonyme d’une meilleure rémunération. Pourtant, dans notre secteur, l’avènement de la traduction automatique a bouleversé ces attentes.

Alors face à ces obstacles, et cette anarchie tarifaire, face aussi à l’ubérisation qui n’épargne pas notre savoir-faire, en tant que traductrice professionnelle, il est devenu essentiel de démontrer la valeur ajoutée d’un travail humain de qualité, notamment pour les textes qui nécessitent une sensibilité particulière, tels que les textes créatifs, juridiques ou marketing.

De plus, travailler depuis quinze ans, c’est aussi adapter son métier aux évolutions de la société.

Ces dernières années, l’évolution des mœurs a profondément influencé la manière dont nous écrivons et communiquons. Avec l’avènement des réseaux sociaux, les contenus sont devenus plus immédiats, mais aussi plus scrutés.

L’écriture inclusive, par exemple, a émergé comme une réponse aux questions de représentativité et d’égalité des genres, transformant peu à peu notre quotidien.

Parallèlement, le politiquement correct a gagné en importance, nous poussant à faire attention aux termes que nous utilisons pour éviter d’offenser ou d’exclure des publics.

L’enjeu, pour nous traducteurs, est de trouver l’équilibre entre ces nouvelles attentes sociétales et la fidélité au message initial, tout en restant pertinents dans un environnement où la rapidité et la réactivité des réseaux sociaux redéfinissent les normes de communication. Ce nouveau paysage exige donc une adaptation constante et une sensibilité accrue aux nuances linguistiques et culturelles. Tout un programme, n’est-ce pas ?

Enfin, l’intégration de la technologie a nécessité un apprentissage constant et une adaptation rapide. Les outils évoluent, et il est important de se tenir à jour des dernières tendances pour rester dans la compétition. Il est aussi crucial, selon moi, d’investir dans des outils modernes. Cela ne me fait pas toujours plaisir, moi qui à l’origine ai plutôt la fibre littéraire. Mais il faut savoir porter de la gratitude à ce qu’on fait, car l’herbe est toujours plus verte ailleurs.

Aujourd’hui, les logiciels de traduction sont devenus des services en mode leasing, fonctionnant sur la base d’abonnements. Plutôt que d’acheter des licences définitives, nous louons ces outils, ce qui a transformé la manière dont nous accédons aux technologies et gérons nos ressources, tout en créant une dépendance continue aux mises à jour et aux innovations des éditeurs.

Cette formation continue et cette remise en question permanente de nos acquis sont devenues inévitables pour continuer à percer dans le monde des services linguistiques.

Projets d’avenir : l’amélioration continue

Regarder en arrière sur 15 années de carrière me permet aussi de me projeter vers l’avenir avec un certain nombre d’objectifs et d’ambitions. En tant que traductrice et gestionnaire de projets, ma priorité est de continuer à perfectionner mes compétences linguistiques, mais aussi de maîtriser de plus en plus les technologies qui révolutionnent notre secteur.

Mon objectif est de continuer à m’adapter aux innovations technologiques, en améliorant mes compétences en post-édition et en intégrant les derniers outils de TAO dans mon flux de travail. Je prévois aussi de suivre des formations régulières, en particulier sur les évolutions de l’intelligence artificielle et de la traduction automatique, pour rester à la pointe.

Je suis une fervente adepte de ChatGPT, et de Deepl, par exemple. Aujourd’hui, je ne peux plus me passer de ces outils que j’ai su apprivoiser avec brio pour qu’ils me facilitent la tâche dans mon quotidien.

En fin de compte, ce qui compte vraiment pour moi, c’est de fournir un travail de qualité à mes clients. Peu importe le logiciel ou la méthode que j’utilise, tant que le résultat est à la hauteur de leurs attentes. Ce qui importe, c’est que mes clients soient satisfaits, et c’est cela qui reste ma priorité absolue.

Par ailleurs, en tant que gestionnaire de projets, je souhaite renforcer mes compétences en gestion d’équipe et en organisation de projets multilingues complexes. Mon rôle me permet d’avoir une vision globale du processus de traduction, et je m’efforce d’optimiser les flux de travail pour assurer la meilleure qualité tout en respectant les délais et les budgets.

Vers une traduction plus humaine malgré la technologie

Bien que la technologie ait transformé la traduction, je crois fermement que l’avenir de ce métier réside toujours dans la dimension humaine. Avons-nous le choix ? Non.

La machine ne peut pas reproduire la créativité, l’émotion, et la sensibilité culturelle qu’un traducteur expérimenté peut apporter à un texte. Nous sommes plus que de simples intermédiaires entre deux langues : nous sommes les garants du sens, de l’intention et de l’impact.

Mon projet à long terme est de participer activement à des initiatives qui promeuvent l’importance de la qualité humaine dans la traduction, et de sensibiliser les entreprises aux avantages d’une traduction bien faite, au-delà des simples économies de coûts que la machine pourrait proposer. C’est ainsi que j’aimerais développer mes services dans l’univers du marketing, de la création de slogans, par exemple. ChatGPT n’est pas très doué pour les jeux de mots, par exemple !

Traduire : un métier en constante évolution

Ces 15 dernières années m’ont appris que la traduction est un métier en perpétuelle évolution. Que dirait Saint-Jérôme, notre saint patron ? Figure incontournable de la traduction, il est surtout connu pour avoir traduit la Bible en latin, créant ainsi la Vulgate. Son travail a rendu les Écritures accessibles à une plus grande partie du monde chrétien.

L’impact des technologies, comme la traduction automatique et les outils de TAO, a profondément modifié notre façon de travailler, mais le cœur du métier reste inchangé : offrir des traductions de qualité qui respectent les nuances linguistiques et culturelles.

Pour être honnête, je ne pense pas embrasser les 15 prochaines années avec la même passion et la même curiosité que les quinze années précédentes. Mon objectif est de continuer à évoluer, en améliorant mes compétences et en m’adaptant aux nouvelles tendances, tout en maintenant l’essence humaine de mon travail. Dans le secteur de la traduction, oui, peut-être. Dans les langues ? Oui, sûrement.

La traduction reste, et restera, quant à elle, un métier profondément humain, où la technologie est une aide précieuse, mais non une fin en soi. Joyeux anniversaire à moi-même !

Partager l'article

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *